Chapeau bas, Barbara !

Liège, 24 janvier 1998

 

Chapeau bas, Barbara !

 

Ô vous, la longue dame brune de nos pensées, quand nous reviendrez-vous pour d'autres rendez-vous à Marienbad, Göttingen, Nantes ou Vienne ?

Votre vie s'est brisée aux frimas de frimaire quand, Parque impitoyable, l'ignoble fièvre hectique scella votre destin d'une étrange coda. Par un triste soir d'automne sépulcral, en grands gants de soie noire où brillait l'adulaire, l'ange au regard létal vous fit traverser le miroir pour rejoindre au shéol (schéol) vos ombres les plus chères. Quels abracadabras des candomblés cariocas vous feraient res(s)surgir en nouvelle Eurydice ? Restent pour nous charmer les éternelles blandices de nos chers souvenirs...

À dix-huit ans, vous vous rêviez diva, enchaînant fières arias aux grands airs de l'opera seria, voyageant du palais Garnier à la Scala. Mais, hélas ! patatras ! Ce répertoire-là eût brisé votre voix : à vous, les chansons tendres et les opéras rock ! Et c'est alors vraiment qu'elle nous enchanta, cette voix nonpareille : voix de faille, de moire, de strass et stress mêlés, fragile baccarat... que nul cri ne brisa.

Écoutant, nostalgique, mes chers disques laser, je revois vos spectacles de jadis et naguère...

Haut perchée, vacillant sur d'impressionnantes échasses - talons aiguilles et non bottier - dans vos tuniques noir de jais et pattes d'ef inimitables, vous sautilliez, trotte-menu, de notes piquées en arpèges renversés ; d'autres fois, demi-penchée sur le corps aile d'un Gaveau ou d'un Steinway, vous striiez de l'onyx de vos ongles d'aiglonne l'inanité sonore de nos solitudes.

Regard fiévreux enténébré d'eye-liner et de khôl - mascara, loup anxiolytique ! - ; long col de cygne, cerclé de boas fantastiques aux plumes d'oiseaux fantomatiques - étrange eider ou rock mythique, doux lophophore ou fol torcou, goglu goulu ou dahu pattu.

Dans son parfum de vanillier(s), mi-nixe mi-sphinge, donnant un sens plus pur aux mots de la tribu, vous psalmodiiez, sombre vestale, un verbe ailé de jade et de nacre mêlé(s) de sardonyx orangée...

Ah ! les doux velours nacarat et les bravos de l'Olympia !

Mais rappelle-toi, Barbara... Avant d'en arriver là, que d'affres cruelles, de jours sans sou ni maille, galérant de caf'conc' en cabaret(s) perdu(s), des faubourgs de Bruxelles au Paris du Boul'Mich'. Ayant connu la dèche, tu restais attentive aux détresses du monde, malgré ta thébaïde.

Louve solitaire sans Romulus ni Remus, tu les aimais bien ces jeunots qui te faxaient leur(s) cri(s) d'amour et tu comprenais les angoisses de ces kids et de ces ados un peu speeds toujours avides d'ecsta dans les raves technos enfumées. Tu te battais, infatigable, contre la ghettoïsation guettant ces pestiférés new-look aux yeux des bourges et autres beaufs : taulards (tôlards) toxicos ou sidéens gays en mal d'azidothymidine. C'est pourquoi leurs prières ont ouvert tout grands les vantaux des lourdes portes du paradis.

Et qui sait, aujourd'hui, enfin délivrée de tes insomnies spleenétiques, pelotonnée dans un de tes chers rocking-chairs, sous des glycines violines, de l'éternité qui s'avance, toi, tu te balances !

 

Marie-Christine Ketelslegers
Championne de Belgique 1990
Grande championne Québec 1995

 

Test

Quels aficionados de westerns folklo promus par un quelconque gimmick taïwanais ou bahreïni, ne préfèrent les airs country joués sur des crincrins cracra (cra-cra), aux skas sensuels et aux raggamuffins débridés ! Ces scies folks illustrent tant l'outlaw avalant un tord-boyaux loin des speakeasys (-ies) bostoniens, que le Sioux qui délaisse les katchinas dédiés au(x) dieu(x) pour un tomahawk à mille milles de notre mortel mirv.

(D. Deheselle)