Un opéra bouffe

(Dictée d'Anvers)

Que d'arias courageusement supportées ! Les brocards pleuvaient. Les neumes enfilées (neumes enfilés) à la suite s'étaient succédé sans trêve. Les appoggiatures démesurément enflées ; les quadrilles déchainés avaient fait rage. La prima donna eût fortement eu besoin d'une infusion de mille-feuille fort bien dosée pour accéder à un improbable nirvana ; même dans l'acception, nietzschéenne. À présent, telle une parturiente évaporée, étalée sur une ottomane de moleskine, elle avait l'air d'une péronnelle prudhommesque. Quel enfer pyrrhonien pour une hottentote bien jeunotte.

(fin de la dictée juniors)

Sous scène, le diéséliste de service, souffreteux devant un brasero prétendument tempétueux, remâchait les protêts qui allaient être son credo, quelque kafkaïen qu'il pût être. Sur plusieurs palmes bien espacés, les interlignes bien dessinés de ses baux emphytéotiques constituaient pour ce pauvre homme, dont les podagres hachées rendaient raison de son humeur quelque peu tatillonne, un de ces casse-tête que les feuilletonistes institutionnalisés auraient pu transcender en une saynète dont les relâches auraient été impatiemment acceptés. En tout cas, sur son baptistaire ascétique, il aurait pu compter les rhombes et les contrechamps que des marguilliers inattentifs avaient inscrits de guingois.

 

Patrick Begaux