Le français de Belgique

En Belgique, la langue française est utilisée dans le sud du pays alors que le Nord utilise le flamand et une petite partie de l'Est : l'allemand. La Communauté française comprend la plus grande partie du territoire de la région wallonne et le territoire de Bruxelles-capitale.
Si dans certains pays, la cohabitation de plusieurs langues officielles ne pose pas de problème, il n'en est rien en Belgique. Les relations entre les différentes communautés deviennent chaque jour un peu plus difficiles en empoisonnant la vie politique.

La prononciation

Outre les nombreux belgicismes, il existe en Belgique une véritable prononciation «belge» des mots français. Lorsque l'on parle de "prononciation belge", on imagine souvent celle de Bruxelles qui fait la joie des téléspectateurs français. Il en existe pourtant bien d'autres ; on ne parle pas de la même façon  à Charleroi, à Liège ou à Tournai...

 

L'accent tonique
Déplacement général de l'accent tonique vers l'avant des mots.
La proximité et les rapports fréquents entre les francophones et les néerlandophones a fait naître une façon de parler caractérisée par la tendance à placer l'accent tonique non sur la dernière syllabe non muette comme on le fait généralement en France, mais plutôt sur l'avant des mots, comme c'est l'usage dans de nombreux mots flamands.  

 

Les consonnes
Transformation des consonnes finales sonores en sourdes.
La prononciation belge des milieux populaires consiste à changer les consonnes finales sonores en sourdes :
- Le b final devient un p comme dans en trombe prononcé comme en trompe.
- Le g final devient un k comme dans un dogue prononcé comme un dock.
- Le v final devient un f comme dans univ non seulement toujours prononcé unif mais même écrit unif la plupart du temps.
- Le z final devient un s comme dans une rose prononcé comme une rosse. Le d final devient un t comme dans qu'il rende prononcé comme qu'il rente.
- Le j final devient un ch comme dans garage prononcé garâch sans oublier Belge qui devient Belch !

 

Disparition d'une consonne dans les groupes de consonnes finales

Souvent l'accent tonique est placé sur la première syllabe. La fin du mot a tendance à se «dissoudre». On n'entend jamais, par exemple, les finales en -ble comme dans terrible, formidable... Le l disparaît. Reste le b qui, selon la tendance que je viens d'énoncer, va se transformer en p ! Nous aboutissons dès lors à la prononciation terrîp pour terrible, formidâp pour formidable. Cette tendance disparaît plus ou moins dans le «belge» contemporain.
Ce groupe subit une autre altération chez certains Belges qui, surtout à Bruxelles, le prononcent en inversant les deux dernières lettres. Possible devient possîbel , formidable devient formidâbel...
Presque tous les groupes finaux constitués de deux consonnes vont voir l'une des deux disparaître et, si la consonne qui subsiste est une consonne sonore, elle se transformera immanquablement en sourde.
Outre le groupe -ble, on peut citer :
• consonne + r
-bre : sabre prononcé sâpe ; ce mot offre la particularité de se confondre avec le mot sable dans cette prononciation belge particulièrement relâchée ;
-cre : sucre qui se prononce comme suc ;
-dre : rendre, prononcé comme rente ou pendre prononcé comme pente ;
-tre : autre prononcé ot, quatre prononcé kat.
• lk > k ou tch : quelque chose se prononce kèkchose voire kètchose ;
• ksk > sk : excuser se prononce eskuzé ;
• kt > k : architecte se prononce architek ;
• rs > s : parce que se prononce passque ;
• gl > k : tringle se prononce comme trinque

 

Les voyelles 


li + voyelle devient y

Un autre écart de prononciation extrêmement répandu consiste à transformer les sons li + voyelle en y (comme yeux). Ainsi milieu se prononce miyeu. Il en va de même de million prononcé miyon et de milliard prononcé miyard. On constate cependant que cette prononciation belge tend à s'étendre à la France. Par facilité, on entend souvent des y ajoutés entre deux voyelles comme dans cent un devenu cent et un, prononcé centéyun

 

ti ou di + voyelle devient tch ou dj + voyelle

Ainsi amitié devient amitché et le diable se réduit à djâp ! Comme ce dernier mot combine trois écarts de prononciation typiquement belges, il est douteux que quelque Français que ce soit retrouve le diable dans ce pauvre djâp !
Quand on songe au nombre de mots qui comportent ces groupes, on se doute qu'il faut souvent dresser l'oreille pour tenter de comprendre ce que veut dire l'interlocuteur belge. Le routier qui devient routché, la moitié qui se transforme en moitché, Didier qui se prononce Didjé ou Dieu qui devient Djeu ne facilitent sans doute pas la compréhension entre Belges et Français.

 

o et e fermés deviennent o et e ouverts

II n'est pas rare d'entendre en Belgique quelqu'un commander un café comme si l'on était en Italie puisque le mot devient un cafè avec e ouvert. En finale, c'est surtout le o qui s'ouvre en Belgique : vélo, piano, domino, numéro, tantôt, gigot... deviennent sinon méconnaissables, du moins fortement connotés «belges» si, au lieu de prononcer le -o comme dans le mot eau, ils se prononcent avec un o ouvert.
On retrouve cette même tendance à l'intérieur des mots où drôle se prononce comme s'il s'écrivait drolle, diplôme comme s'il s'écrivait diplomme... 

 

Les diphtongues


Cassure des diphtongues

Contrairement à la définition des diphtongues (groupes de deux voyelles prononcées d'une seule émission de voix), la plupart des Belges ont l'habitude de «casser» les diphtongues, de restituer donc à chaque voyelle constitutive sa pleine valeur. Le lion se prononce comme li-on, avion comme avi-on... Les mots terminés par -tion et -lion ne sont toutefois pas touchés par cette tendance. 

 

Cassure des diphtongues et adjonction d'un w

La tendance énoncée au point précédent ne touche pas seulement le groupe -ion. Mais, dans la plupart des autres cas, elle s'assortit, en outre, de l'adjonction d'un w (à l'anglaise) qui «facilite» la prononciation.
Ainsi fouet devient fouwè, ruelle devient ruwelle, éternuwer signifie éternuer...

Tendance à la diphtongaison des voyelles finales
• Adjonction d'un i derrière les é finaux
Les imitateurs français de l'accent belge se gargarisent des «une fois» que l'on ne rencontre pourtant pas très souvent mais aussi des textes auxquels ils ont adjoint des i derrière les é finaux : alléie, alléie pour allez, allez.

• Adjonction d'un ou derrière les o finaux
L'exemple le plus fréquent est celui de l'adjectif beau qui se prononce bôou.

Quelques cas particuliers
• uir = ouir
La distinction entre le groupe uir et le groupe ouir n'est pas établie. Fuir ne se distingue pas, dans la prononciation, de fouir pas plus qu'enfuir ne se différencie d'enfouir. Huit se prononce ouit !

• Le l final est prononcé vélaire
Surtout dans les groupes finaux en -al, le l tend à être prononcé vélaire comme dans l'anglais well.

• Le e de lessive tombe souvent pour aboutir à la prononciation lsive.

• Le i de bifteck se prononce parfois u. On le trouve même écrit bufteck.

Il existe d'autres différences mais qui sont toutes plus régionales. On ne trouve que rarement des mots ou tournures employés dans l'ensemble des régions francophones de Belgique. Songeons par exemple à l'aspiration importante du h- initial propre au wallon de Liège (que la plupart des Liégeois appellent Liége, soit dit en passant). Pensons aussi à la nasalisation de certaines voyelles comme je vous aime qui devient je vous ainme. Dans certains mots, le e est restitué alors qu'il  tombe dans le français de France. Aqueduc compte bien, en Belgique, trois syllabes très distinctes.

 

Comme on le voit, les différences phonétiques sont considérables d'un pays à l'autre. Certains lecteurs en seront étonnés. Ils ont un ami belge qui parle le même français qu'eux. Preuve que tout est affaire de milieu social. Les classes aisées ont tendance à pincer leur français en tentant de singer les Parisiens !

 

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