Mes vacances au CHU (Marchin - 2ème dictée)

Jusque-là, trois quarts de siècle, mon pouls avait ignoré l'arythmie, de rares extrasystoles étaient suivies d'un répit rassurant, ni flutter ni ischémie ni fibrillation qui sont les augures réels de complications sévères.

Pourtant, l'été dernier, juste lorsque je me prélassais volontiers en salomés quasi éculés, à humer l'air doux d'août (d'août doux) en léchant des roudoudous, voilà que je passe une affreuse nuit où mon thorax est chahuté de complies à prime. Pas de quartier ! Je dois me rendre aux urgences où je suis accueilli lit et bras ouverts, car un patient, même impatient, c'est du chiffre d'affaires et son séjour sera mis à profit pour rentabiliser personnel et appareillage(s) spécialisé(s).

Merci quand même à la science d'avoir en trois jours neutralisé par fibrinolyse l'infarctus qui m'y a conduit. La plasmine, l'acide acétylsalicylique, l'héparine se sont alliés pour postposer mon essor vers le sein de Dieu (quoi le bilan de ma vie me vouât plutôt à la géhenne).

L'onirisme et le réalisme se mariant joliment, la morphine m'a épargné des douleurs lancinantes, mais m'a fait tenir par moments des propos ineptes qui, après coup, distraient mon entourage.

Dès mon admission, je suis désappointé par le fait qu'on me sèvre quasiment de la benzodiazépine que mon corps a pourtant assimilée des décennies durant. Cet anxiolytique me fait défaut hic et nunc.
Je suis aussi embarrassé dans mes mouvements par tout l'attirail dont on me harnache : cathéter au poignet, raccordé au(x) stilligoutte(s) des perfusions sur potence, sphygmomanomètre à l'autre bras, narines branchées au ballon d'oxygène. En sus, fréquemment sous l'aisselle pileuse, un thermomètre dont l'hydrargyre semble en rideau à trente-six degrés Celsius. Le tout, alité le plus souvent, barreaux à l'appui suppléés par un écran sycophante pour contrecarrer toute escapade hors du pieu.

 

Test 1

Par brancardier(s) interposé(s), on vous transfère sans préavis vers d'autres cellules de la geôle. Dans l'une d'elles, il me faut côtoyer des individus lambda, tels qu'un asthmatique dont la dyspnée vous afflige, un autre atteint de ronchopathie qui agrémente vos nuits déjà si perturbées par les allées et venues du personnel de garde. Sans vergogne, à cinq heures du mat', moment indu, l'infirmière vient vous saigner ou vous harcèle pour toute autre prestation.

Et afin de fuir les vociférations télévisées pour mon voisin de piaule, soi-disant dur d'oreille et en mal de sensations, j'ai dû avoir recours à la chambre particulière, mais alors en me résignant à des exigences pécuniaires exorbitantes.

 

Test 2

Par contre, rien n'est critiquable quant à l'alimentation, pour autant que vous vous accommodiez d'un jus de chaussette(s) au déjeuner et que vous ne soyez pas mis à jeun jusqu'à après-midi. Ne comptez cependant jamais sur un apéro avec tapas ou zakouski(s), encore moins sur des señoritas parfumés. Toutefois, la cafèt' attenante à la polyclinique vous procurera ad libitum contre vos biffetons des lambic(k)s ou krieks bien fermentés.

Je vous dispense du détail des nombreux tests que j'y subis, la plupart se ressemblant et devant majorer la facture, principalement à charge de la Sécu (sécu) déjà en déconfiture. Le clou et le terme de ces examens, c'est une coronographie au cours de laquelle l'angioplastie prend place pour fixer un stent et dilater des artères défaillantes. Il reste des tâches à accomplir que j'ai laissé différer à de futures vacances, puisqu'on m'en donne le choix. A chaque jour suffit sa peine !

Lorsque je tiens en main mon billet de sortie, c'est comme une levée d'écrou, comme si le joug qui s'est appesanti au fil des semaines se volatilisait tout à coup. Et j'ai du bol de ne pas avoir chopé une infection nosocomiale !

Que le staff hospitalier ne s'offusque pas de ce que j'écris, car je conclurai en thuriféraire pour son dévouement unanime, absolu et permanent. C'est plutôt le système que j'égratigne ici et encore, c'est surtout par besoin d'un texte.

 

Test 3

(la) bharatanatya (le) kathak (le) fudge

 

© René Trépant 2005